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On pense habituellement que c'est de l'inconnu dont on a peur. Cela est un contresens puisque la peur est fondée
sur une mémoire d'un passé douloureux à éviter.
Boris Cyrulnik
Notre drame relationnel est de confondre notre pensée sur les choses avec les choses elles-mêmes.
De ne pas entrer en rapport avec notre réalité présente au profit de constructions mentales que nous pensons être la réalité. La fiction dont notre cerveau cognitif est capable, cette formidable aptitude à imaginer et créer des abstractions mentales est aussi devenue un piège quand on en oublie notre être fait de chair et de respiration.
Nous vivons une époque où il est même devenu dangereux d’éprouver des émotions puisqu’elles sont nommées négatives.
Nous avons peur d’avoir peur, peur d’être coupables, peur d’être en colère et encore plus peur d’être déprimés. Le mal est à combattre encore plus qu’à soulager. Faute d’être en rapport direct avec soi, non pas idéalisé mais le soi du corps, d’être en rapport avec les autres tels qu’ils sont et non tels que nous attendons qu’ils soient, nous errons dans des systèmes de pensées qui nous éloignent encore plus de notre réalité.
La peur de nos émotions n’est qu’une élaboration psychique et une injonction à être mieux. Dans notre socio-culture actuelle, tout, à commencer par nos propres émotions, devrait être géré et maitrisé. Mais comme le corps n’est définitivement pas une machine, une telle attente est un fantasme qui accentue l’affolement du système émotionnel.
La principale de nos difficultés est cette méconnaissance de notre fonctionnement, cette résistance voire cette horreur à nous concevoir mortels. Nous nous accrochons à une image, à une représentation de soi pour nous éviter de nous heurter à notre vulnérabilité et notre finitude. Pour nous éviter l’épreuve de la douleur ou d’un déséquilibre, celle qui nous rapproche de la mort quand elle se produit.
Pour se libérer de la tyrannie des émotions, la tendance actuelle serait de se libérer des émotions, alors qu’il s’agit de se libérer de sa dictature.
L’émotion est incontournable pour nous adapter au monde et aux autres.
« Les émotions sont notre boussole » dit l’éthologue et primatologue Frans de Waal (cité par Jean-Claude Ameisen dans « Sur les épaules de Darwin, Les battements du temps », Babel, page 371).
Pour se libérer de la tyrannie, il convient de considérer notre boussole et d’apprendre à la lire. Pour commencer notre chemin, il faut commencer par ralentir. Et ralentir n’est pas chose si facile quand l’augmentation de l’espace virtuel dans notre monde nous pousse à toujours accélérer, nous qu’une lenteur de notre ordinateur insupporte et qui attendons la réponse à notre SMS à peine l’avons-nous envoyé …).
(D'après des extraits de l'ouvrage "E.M.O.T.I.O.N.",)
A paraître début 2025 :
Le décodeur
des relations
personnelles